dimanche, décembre 10, 2006

Le début de la fin pour le traité de non-prolifération nucléaire ?

Pour subvenir à leurs besoins énergétiques, des pays au développement rapide comme l’Inde et la Chine se tournent vers le potentiel atomique et d’autres voudraient bien les imiter. La communauté internationale devra trouver une alternative au Traité de non-prolifération nucléaire, depuis longtemps contourné par plusieurs pays, pour éviter une nouvelle course à l’armement. En acceptant de nouveaux joueurs dans la cour des grands, c’est toute la légitimité du traité qui se voit entachée.

Par Evelyne Asselin

(QC) – Le Pakistan a réussi, vendredi midi, un test de son nouveau missile nucléaire à courte portée Hatf III, à peine quelques heures après l’adoption par le Congrès américain d’un accord de coopération qui permettra à l’Inde de développer son industrie nucléaire à des fins civiles.

Islamabad voit d’un mauvais œil ce rapprochement entre Washington et son rival indien avec qui il a croisé le fer à trois reprises depuis leur indépendance respective de l’empire britannique. Les deux pays d’Asie centrale possèdent l’arme nucléaire sans avoir ratifié le Traité de non-prolifération du nucléaire (TNP).

L’accord américano-indien permettra aux entreprises américaines d’accéder à un marché lucratif, d’une valeur de 100 milliards de dollars selon les estimations du International Herald Tribune. Plus important, il ouvrira aussi à l’Inde les portes du Groupe des fournisseurs du nucléaire, donc l’accès à un uranium jusqu’ici réservé aux pays signataire du TNP.

L’ouverture des États-Unis à traiter avec un pays qui s’est doté de l’arme nucléaire de façon illégale, aux yeux de la communauté internationale, pourrait envoyer un signal non désiré aux autres pays qui désirent se doter d’une industrie nucléaire civile comme l’Afrique du Sud, le Brésil ou l’Arabie Saoudite.

Si les faiblesses du TNP étaient connues, mais rarement évoquées, son incapacité à empêcher la prolifération du nucléaire pourrait bien mettre à jour sa désuétude et l’envoyer aux oubliettes. Signé en 1967 par la Chine, la France, la Russie, les États-Unis et la Grande-Bretagne, le traité devait assurer que seuls ces cinq pays possèderaient l’arme nucléaire. Alors qu’Israël, l’Inde et le Pakistan l’ont déjà acquise, que la Corée du Nord y serait aussi parvenue et que les sanctions contre l’Iran se font toujours attendre, qui aura l’autorité nécessaire pour éviter que d’autres pays emboîtent le pas?

Pour Laurent Zecchini, journaliste au quotidien français Le Monde, « il est illusoire de penser que le statu quo actuel, fondé sur un régime international de non-prolifération à bout de souffle, puisse être maintenu. »

Maintenant que la frontière est franchie et que les États-Unis reconnaissent le potentiel nucléaire de l’Inde, mais aussi d’Israël lors d’une récente déclaration du nouveau secrétaire de la défense Robert Gates, mettant fin à des décennies de flou diplomatique, quelle loi divise l’accès ou non au nucléaire? Si la règle de la sécurité internationale ne tient plus, qui peut interdire à un pays de développer son industrie atomique au nom de ses besoins énergétiques, domaine capital des relations internationales avec la flambée des prix des combustibles fossiles?

Pourquoi l’Inde obtient-elle le support américain pour son industrie alors que l’Iran est confronté à une résolution de l’ONU pour cesser le développement de la sienne? L’accord américano-indien n’exige la présence d’enquêteurs de l’agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) que pour les 14 réacteurs destinés à l’usage civil. New Delhi possède aussi huit réacteurs à usage militaire au su de tous, réacteurs qu’aucun membre de l’agence n’a eu et n’aura le loisir de visiter.

La règle des deux poids, deux mesures n’a jamais fait ses preuves et il ne serait pas surprenant que dans peu de temps la quantité de pays au potentiel nucléaire double ou triple. Depuis l’adoption du TNP, ce nombre est déjà passé de 5 à 8, voire à 10 avec la Corée du Nord et l’Iran.


-30-

vendredi, décembre 08, 2006

Le coton en sept histoires

Grand voyageur, l’académicien Érik Orsenna nous sert un portrait imagé de la mondialisation dans son roman Voyage aux pays du coton, petit précis de mondialisation. À travers la route du coton, qu’il suit de l’Afrique à ses Vosges natales, il vulgarise l’état d’interdépendance qui nous unit aux matières premières. Bienvenue dans le monde de l’or blanc.

(QC) — L’industrie du textile et des vêtements au Québec vit une période difficile depuis quelques années. La délocalisation des usines vers des mains d’œuvres moins coûteuses en Chine et en Inde a provoqué la perte de près de 22 750 emplois dans la Belle province depuis 2002, selon les chiffres du ministère des Finances.

Si les médias et la population québécoise ont rapidement jeté le blâme sur la concurrence déloyale des deux géants asiatiques, bien peu de gens connaissent toutes les ramifications de l’industrie du textile. Le livre d’Érik Orsenna est en quelque sorte un cours de coton 101 pour ceux qui s’intéressent aux causes extérieures de la chute de l’industrie au Québec.

Arbuste aux flocons blancs, al-kutun, de son nom d’origine arabe, apprécie les climats chauds et ensoleillés. Il fleurit uniquement entre le 32e et le 37e parallèle dans plus de 90 pays. Comme l’indique Orsenna, il est aussi en quelque sorte « le porc de la botanique ». Tout est utilisé dans cet arbre. Le coton ne sert pas uniquement à fabriquer vos chaussettes, il s’intègre aussi dans la confection de vos billets de banque, de certains produits cosmétiques, même dans la litière de votre chat et dans votre huile végétale. Voilà pourquoi il jouit d’une attention particulière depuis le quatrième siècle avant Jésus-Christ.

L’aventure de l’auteur commence en Afrique, plus spécifiquement au Mali où le coton est connu sous le nom de Soy, terme aussi utilisé pour signifier la parole. Ici, l’activité de la culture demeure à son état plus traditionnel et familial, mais sous l’administration étatique de la Compagnie malienne pour le développement du textile (CMDT). C’est donc l’État qui fixe les prix, les exportations et la redistribution de l’argent amassé par l’exploitation des flocons blancs.

Malgré les pressions du Fond monétaire international, la CMDT prend son temps pour privatiser l’industrie et continue de financer la majeure partie des services publics maliens. Malheureusement, l’ancien royaume africain éprouve beaucoup de difficultés à demeurer compétitif et accentue le déficit du pays. La Banque mondiale veut bien aider, à la condition de tout privatiser.

Les États-Unis ne sont pas étrangers aux difficultés maliennes. En plus d’héberger les institutions qui pressent le pays africain de privatiser, ils modifient les règles du cours en Bourse de l’or blanc en subventionnant leur industrie cotonnière et la recherche. Face au géant américain, les Africains peinent à tirer leur épingle du jeu. Ils n’ont surtout pas les moyens d’améliorer leur produit et les techniques de récolte.

Paradis de l’idéologie libérale, le lobby agricole américain croit tout de même qu’il est normal d’aider l’industrie. Tant qu’il existera des subventions de toutes sortes à l’étranger, en Europe et en Asie par exemple, l’oncle Sam continuera de rejeter les condamnations de l’Organisation mondiale du commerce. Pourtant, les aides gouvernementales rejoignent peu les petits agriculteurs, souvent obligés de cumuler deux emplois pour clore leur budget. Ce sont les grosses compagnies, établies depuis l’époque de l’esclavagisme, qui dominent ce secteur d’activité.

La récolte du coton n’a pas que des répercussions économiques, elle joue aussi un important rôle environnemental. Les États-Unis ne sont pas les seuls à créer des souches hybrides de coton en laboratoire, le Brésil effectue aussi beaucoup de recherche économique pour développer un coton unique, croisé par exemple avec des gènes d’araignées.

Les fermes brésiliennes s’étendent sur plusieurs milliards d’hectares et pour fournir la fibre qui servira à habiller une bonne partie de l’humanité, le pays défriche sans retenue la forêt amazonienne, véritable poumon de la planète.

Le coton s’attaque aussi à l’eau. En Ouzbékistan, les petits arbustes sont particulièrement fervents d’humidité et ils ont fortement contribué à la disparition de la mer d’Aral. Dans cette ancienne région de l’Union soviétique, le coton a aussi servi à la cause communiste. Pour sédentariser le peuple Karakalpaks, Staline les a contraints à la culture. L’objectif politique fut réussi, au détriment de l’environnement ouzbek.

Et la Chine certains diront; elle est où la Chine? Au pays de Mao, la chaussette règne en maître, bien avant la culture. C’est la transformation du coton qui fait des ravages ici. Fort de son régime communiste, le gouvernement procède à l’industrialisation du dragon à vitesse grand V. Larguée lors de la révolution industrielle, la Chine est déterminée à reprendre une place dominante sur la scène internationale, peu importe les conséquences humaines et environnementales.

En 280 pages, Érik Orsenna nous prouve que le coton n’est pas blanc comme neige, mais souillé de mille et une batailles. S’il nous reste une impression indélébile de pénétrer un monde secret et sombre, l’auteur n’arrive pas à brosser un portrait clair de la géopolitique du coton. En structurant son récit d’un ensemble d’anecdotes, de portraits et de contes, il oublie de prendre du recul et de regarder l’histoire dans son ensemble.

Une conclusion bien brève tente de donner une trame au récit. Comme c’est bien souvent le cas en journalisme, ces parcelles de réalité n’arrivent pas à nous fournir une idée claire de la réalité de la mondialisation du coton.

Un livre qui fait voyager et où le coton devient presque humain, mais qui offre bien plus un photo-roman qu’un film de la mondialisation.

-30-

jeudi, décembre 07, 2006

Périple à la Place Laurier

Aujourd’hui, j’ai quitté mes livres, mon ordinateur et ma map monde pour aller faire un tour dans le vrai monde tant chéri de Mario Dumont et de CHOI FM avant que la station ne perde de son mordant (merci JT). Bâtard, ça fait déjà plus de 3 mois que je vis à Québec et je commence à peine à me pointer le bout du nez ailleurs que dans l’axe maison-université.

Quoi de mieux qu’une visite au complexe de centres d’achats Place Ste-Foy, Place de la Cité et Place Laurier pour palper l’ambiance des fêtes chez ce sympathique groupe de villageois. (D’accord, ce terme pourrait être considéré comme insultant pour ceux qui habitent Québec. Bordel, assumez-vous, vous êtes des villageois !)

Étrangement, je ne suis pas agressée par une musique mille fois entendue de Noël. Les propriétaires de centre commercial auraient-ils enfin compris que si leurs employés n’arrivent plus à tolérer ces «chants mélodieux», c’est le cas aussi pour une bonne partie de sa clientèle ?! Il y a de l’espoir sur cette terre, dites-le vite à Jean Lemire !

Je vous épargne mon examen de la vue chez Greich et Scraf, raison initiale de ma visite au royaume de l’achat. Juste vous annoncer que finalement, je ne voyais vraiment rien !!

Québec est un village parce que les gens sont trop gentils. Ils veulent trop être utiles et je connais le principe, je l’adopte tous les jours et je peux vous assurer que ça ne fonctionne pas !!! D’abord ce vendeur de produits de coiffure. L’homme m’explique que les produits que j’utilise depuis maintenant 4 ans seront bientôt discontinués, faute d’inscription en français sur les bouteilles. Tranquillement, il me montre plusieurs autres que je pourrais prendre pour mon type de cheveux. Après le 4e tour du magasin, je commence un peu à m’impatienter. Sans vouloir être impolie, je lui signifie que mon choix est fait et que je ne tiens pas à connaître l’ensemble de son inventaire. Merde, il a même sorti un diffuseur de sa boîte scellée pour me montrer comment je dois le faire tourner dans mes cheveux !

« Je voulais seulement être gentil. Je ne suis pas toujours aussi gentil, mais là je voulais l’être avec vous», me dit-il d’un ton légèrement accusateur. N’eut été de mon estomac qui criait famine, je crois que je l’aurais laissé continuer par remord.


Resto

Il faut que je vous explique. C’est une tradition de jeunesse, quand ma famille et moi venions à Québec, un rituel s’était installé. Il était impératif d’aller manger : 1- Un Tom Pouce chez Marie-Antoinette 2- Une crêpe bretonne au Petit Coin Breton. C’est donc par souci des traditions que j’ai décidé d’aller manger une crêpe Quimper et une soupe à l’oignon.

Bon dieu, mon parcours universitaire me rend hautaine ! Premier commentaire en arrivant au resto = c’est définitivement quétaine cette place ! La suite me le confirmera un peu. Une dame costumée m’assigne une place et je sens dans sa façon de me parler un respect auquel je suis très peu habituée. Dans ma tête, je suis encore une ado, pas quelqu’un à qui l’on donne de l’importance !
Je ne me souviens pas précisément comment la conversation a dérivé vers les chats, mais n’empêche qu’en moins de 5 minutes, la serveuse de la section adjacente à la mienne me racontait toutes les petites manies de son chat. Ça finissait plus !!! Comment il reconnaît le poulet dans le frigo, même s’il est dans un plat Tupperware, comment il exige que tout soit à sa place, comment il cache des épingles sous le tapis, comment il a reconnu son ami latino qui n’était pas venu depuis 5 ans… et j’en passe.

Après une dizaine de minutes, ma serveuse est venue prendre ma commande. J’ai pour un moment cru qu’elle venait me sauver de ce moulin à parole. Non ! Aussitôt les formalités terminées, elle revient à la charge : « J’ai oublié de te dire, mon chat reconnaît aussi la nourriture qui n’est plus bonne. L’autre jour, j’avais un doute sur du poulet. Et bien, il n’en a pas touché un morceau…» Pas moyen de lire Ginneken en paix !

Tout était étrange dans ce resto, pas seulement le fait d’être servi par Moman de chez Rapido (une inside de Platopithèque) en costume traditionnel breton, mais la clientèle aussi. Je suis convaincue que l’homme qui grondait sa fille de 4 ans, c’était un psy. Non mais ! L’enfant, visiblement inconfortable, était assise dans une chaise haute. Même la serveuse au chat a fait la remarque à l’homme qui pour seule réponse disait : « C’est elle qui veut ça ». Ben oui, pis c’est pour ça qu’elle se tortille de la sorte. J’avais le goût de ne pas me mêler de mes affaires ! Après tout, ma lecture de Ginneken se trouvait une fois de plus interrompue. « Si t’es pas fine avec Maman, tu n’auras pas d’œuf ce soir, pas de cadeau. » Depuis quand on élève les enfants avec le retrait d’un cadeau, qu’elle aura probablement de toute façon, et non avec le système punition et récompense uniquement en cas d’extrême surpassement de soi ? Je ne suis pas née à la bonne époque !

Derrière le couple à l’enfant, dont la mère n’a pas dit un mot de tout le repas, un avocat et sa femme et/ou maîtresse. Avez-vous déjà croisé un homme dans la cinquantaine, en complet, avec les cheveux verts comme Bibi de Bibi et Geneviève ? Comment s’intéresser à Ginneken après ça!

Exit le resto, après une vingtaine de minutes d’attente. J’avais pourtant dit à la dame lorsqu’elle est venue chercher ma tasse à expresso vide que je prendrais la facture… À la recherche d’un billet d’autobus.

On me dit que c’est au Métro que je peux les trouver. Je crois en chemin une épicerie Aliments de santé Laurier. Le royaume de ce que surnomme Les Zapartistes la livre de brun à 10$. Rien à voir avec vos produits bio ou maison traditionnelles, c’est le Club Price du bio et du santé ! S’il faut avouer que c’est le seul endroit où j’ai trouvé certains trucs que j’affectionne, j’ai été dégoûtée par cette utilisation commerciale de l’aliment dit bon. Montignac, sans gluten, kamus, etc… Les légumes sans emballage à l’unité : excellent. Les pâtes en vrac (épinard, légume, blé entier) : good. La musique, les chandelles et la crème hydratante à 30 dollars le pot de la grosseur de mon pouce : c’est de l’arnaque ! Pis les madames de Sainte-Foy avaient l’air bien contente ! Dire qu’on accuse les Platopithèques avec leurs produits bios. Au moins nous, on sait quand on se fait fourrer ! C’était l’épisode des Bougons en live.

Dans une allée, alors que je comparais les sortes de café dont je n’ai jamais entendu parler, j’entends au loin, au fond du magasin : « Vous êtes sûre que vous n’êtes pas Marie-France Bazzo? Je ne l’ai jamais vu, mais vous lui ressemblez beaucoup je crois, même grosse tête.» Et la dame poursuit une conversation avec l’autre dame qu’elle prenait pour Bazzo sur les sujets les plus diverses…

C’est promis, je ne quitte plus jamais mes livres des yeux et je me contente maintenant de faire le chemin maison-université. Ils sont trop bizarres les gens ici. Tenez, sur le chemin du retour, une dame âgée m’a offert de m’asseoir à sa place. ?!?!? À Montréal, ce genre d’attention n’est même pas offert aux femmes enceintes !

Mon correcteur Antidote me dit que le mot expresso est un québécisme pour café express. Attendez, nous ne sommes pas les seuls à utiliser ce terme non ? C’est pas universel un expresso?

mercredi, décembre 06, 2006

Venezuela suite

Venezuela : une victoire convaincante pour Hugo Chavez?

Réélu président par une majorité de 20 points dimanche dernier, Hugo Chavez possède aujourd’hui l’ensemble des sièges de l’Assemblée nationale en plus de gouverner l’armée, la télévision nationale, l’industrie pétrolière et la Cour suprême. À la tête de tous les postes clefs de l’État pour les six prochaines années, certains craignent une radicalisation non seulement de son discours, mais aussi de ses politiques socialistes. D’autres gardent espoir que les récents échecs del Jefe sur la scène internationale tempéreront son projet de révolution bolivarienne et que ses déclarations incendiaires mineront sa crédibilité, même aux yeux de sa population.

Par Evelyne Asselin

(QC) – Au lendemain de l’élection présidentielle du 3 décembre, le quotidien vénézuélien El Nacional montrait en Une Hugo Chavez, poing en l’air, devant une foule en liesse habillée de rouge. En très gros caractères, deux noms et deux chiffres qui résument tout : Chavez 61, Rosales 38.

Malgré l’union de l’opposition derrière l’ancien gouverneur de l’État pétrolier Zulia, Manuel Rosales, les résultats sont décevants. L’appui aux «antichavistes» a chuté de 130 000 votes comparativement au référendum de 2004. Pourtant, la participation des électeurs s’est accrue pour atteindre un record datant de 1976, soit une abstention de seulement 24 % de la population. Sans vouloir mettre en doute les résultats, le journal de Caracas El Universal, notait par contre que la diminution des appuis à l’opposition pourrait s’expliquer par l’importante quantité de bulletins rejetés par le système électronique. En tout, 135 000 bulletins ont été annulés, soit beaucoup plus qu’au référendum de 2004 où l’on comptait que 25 000 rejets.

À la lumière de ces chiffres, nous pourrions croire qu’Hugo Chavez a le vent dans les voiles et que les Vénézuéliens adhèrent à ses idées et à son discours antiaméricain. Selon La Tercera, un journal très populaire chez la classe moyenne du Chili, la mobilisation «prochaviste» est due bien plus à son discours social et à ses politiques populaires qu’à sa position anticapitaliste. La Pagina 12, quotidien argentin de gauche, rajoute que Chavez devra rapidement effectuer les réformes annoncées en campagne s’il ne veut pas être confronté à son propre électorat.

Surtout que cet électorat, fortement représenté par les plus pauvres, pourrait devenir le seul appui au projet bolivarien d’Hugo Chavez d’unifier l’Amérique latine sous une politique de gauche et indépendante de l’influence américaine. Au cours de la dernière année, le président a connu plusieurs échecs sur la scène internationale.

La République bolivarienne du Venezuela n’a pas réussi à obtenir le convoité siège non permanent de l’Amérique latine au Conseil de sécurité de l’ONU. Devant la désapprobation de sa candidature, c’est finalement le Panama qui a remporté la mise après 48 tours de scrutin.

Hugo Chavez ne peut se targuer d’avoir réussi à mobiliser l’ensemble du continent dans son projet bolivarien. Plusieurs des candidats qu’il supportait ont subi la défaite au cours de la dernière année. C’est le cas notamment en Colombie et au Pérou avec la victoire d’Alvaro Uribe Vélez et d’Alan Garcia, plus près de Washington que de Caracas.

Même certains de ses favoris lui tournent le dos. Le sandiniste Daniel Ortega, dont l’élection au Nicaragua fut applaudie par Chavez, passe plus de temps à créer des liens avec les États-Unis qu’à discuter socialisme avec son homologue vénézuélien. Une importante partie de la gauche présente en Amérique latine prône une approche plus progressiste que révolutionnaire. Les Michèle Bachelet, Nestor Kirchner, même Luís Inácio da Silva (Lula) se dissocient de la gauche populiste, nationaliste et militariste à la Castro, ami incontesté de Chavez.

Si Daniel Ortega semble adopter la même approche que ses collègues chiliens et argentins, il reste à voir quelle voie adoptera le dernier socialiste élu, Rafael Correa en Équateur pour définir une réelle tendance de rejet de l’axe Bolivie-Vénézuela-Cuba. Même ce dernier pourrait quitter l’association. Alors que Fidel Castro semble en être à ses derniers jours, son frère Raoul tend la main à Washington pour une réouverture du dialogue.

Il ne faut donc pas voir en la victoire d’Hugo Chavez à la présidentielle une popularité grandissante d’un modèle antiaméricain. Si El Jefe continue à proclamer, comme il l’a fait en septembre devant l’ONU, que Washington est le diable, il risque fort de perdre une bonne partie de ses appuis non seulement en Amérique latine, mais aussi dans son propre pays.

Convaincante sur papier, cette victoire pour un deuxième mandat jusqu’en 2013 pourrait être celle de la dernière chance. L’opposition ne s’avoue pas vaincue et reste sur le pied de guerre pour la prochaine bataille. Hugo Chavez devra adapter son discours à la gauche réellement émergente en Amérique latine s’il désire conserver son influence dans la région. Luís Inácio da Silva l’a déjà compris au Brésil et risque fort de lui damer le pion.



-30-

lundi, novembre 27, 2006

Vénézuela : Hugo Chavez en route vers la victoire.

(QC) – L’actuel président vénézuélien Hugo Chavez remporterait l’élection du 3 décembre par près de 30 points de majorité sur son principal rival, Manuel Rosales, selon de récents sondages effectués par la firme Ipsos pour l’Associated Press.

Malgré la popularité grandissante de cet ancien gouverneur de la région de Zulia, Rosales n’arrivent pas à dépasser le cap des 40% d’intentions de vote. Il possède pourtant l’appui de l’ensemble des opposants à Chavez, qui se sont unifiés derrière lui pour tenter de battre l’actuel président.

Samedi dernier, des centaines de milliers de citoyens de Caracas sont descendus dans les rues de la capitale pour manifester leur appui au candidat social-démocrate. Tous en choeur, ils ont entonné le slogan de l’opposition : «Osez le changement».

Hugo Chavez demeure toujours très populaire chez les pauvres du pays, qui représentent près de 50% de la population. À coup de slogans anti-américains, il mobilise les foules dans un projet bolivarien d’une Amérique latine unie et indépendante de l’influence américaine. Il donne l’impression à cette portion de la population, souvent délaissée par les pouvoirs politiques, de participer à quelque chose de plus grand qu’eux, de faire parti de l’histoire.

Sur le terrain, les réalisations de Chavez sont visibles : instauration d’une démocratie participative avec la création de centaines de conseils communaux, ouverture de 2 100 cliniques médicales opérées par 20 000 médecins cubains – obtenus en échange de pétrole -, promotion soutenue de l’alphabétisation et nettoyage en profondeur de l’appareil politique, hautement corrompu par les gouvernements précédents.

Les dissidents reprochent justement à Hugo Chavez d’avoir éliminé la corruption pour installer ses propres hommes aux postes clés du pays. Depuis décembre 2005, alors que l’opposition à décider de boycotter les élections législatives, les partis prochavistes détiennent l’ensemble des cent soixante-sept sièges de l’Assemblée nationale. Actuellement, l'armée, la bureaucratie, l'industrie pétrolière, le Parlement et la justice sont rouges. Les chavistes dominent aussi dans les médias d’État.

Manuel Rosales utilise beaucoup dans sa campagne la crainte qu’ont les Vénézueliens de se retrouver avec un gouvernement autoritaire. Lors du grand rassemblement de samedi à Caracas, il a déclaré : « La démocratie est en danger avec ce gouvernement et c’est aux Vénézuéliens de s’unir pour la défendre», tout en accusant ouvertement Chavez de vouloir devenir président à vie comme Fidel Castro.

Si l’actuelle élection présidentielle ne vise qu’un mandat de six ans, Hugo Chavez a déjà fait part de ses désirs de modifier la Constitution afin qu’il puisse conserver le pouvoir jusqu’en 2021, selon un article paru dans la section opinion du Christian Science Monitor, paru en septembre dernier.

L’opposition compte sur les électeurs discrets sur leur intention de vote pour gagner la mise le 3 décembre. Elle devra d’abord convaincre les 57% de dissidents qui craignent des représailles s’ils ne votent pas en faveur de Chavez de se faire entendre. Le quotidien floridien The Miami Herald rapportait dans ses pages cette semaine que certains chefs d’entreprises nationales ont menacé leurs employés de congédiement s’ils ne votaient du bon côté.

Bien que la victoire semble acquise par Hugo Chavez, les troupes de Rosales peuvent tout de même ébranler la domination du président. Fort de l’appui de six millions d’électeurs lors du référendum de 2004 sur sa présidence, Chavez avait lancé l’objectif de dix millions de votes pour la reconduite de son mandat. S’il obtient une marque en deçà de celui de 2004, c’est tout son projet de réformes sociales qui perd sa crédibilité.

Le président souffre déjà de plusieurs revers dans les derniers mois sur la scène internationale. La République bolivarienne du Venezuela n’a pas réussi à obtenir le convoité siège non permanent de l’Amérique latine au Conseil de sécurité de l’ONU. Devant la désapprobation de sa candidature, c’est finalement le Panama qui a remporté la mise.

Hugo Chavez ne peut aussi se targuer d’avoir réussi à mobiliser l’ensemble du continent dans son projet bolivarien. Plusieurs des candidats qu’il supportait ont subi la défaite au cours de la dernière année. C’est le cas notamment au Chili et au Pérou. Même certains de ses favoris lui tournent le dos. Le sandiniste Daniel Ortega, dont l’élection au Nicaragua fut applaudi par Chavez, passe plus de temps à créer des liens avec les Etats-Unis qu’à discuter socialisme avec son homologue vénézuelien.

Un recul d’Hugo Chavez dans les bureaux de vote pourrait marquer la fin d’un projet qui date de son arrivée au pouvoir en 1998.

-30-

samedi, novembre 25, 2006

Rencontre de Philippe Noiret

Un grand acteur a rendu l'âme cette semaine en France. Je ne peux pas dire que c'était un de mes acteurs favoris, mais j'éprouvais pour lui un immense respect.

En octobre 2005, alors que je couvrais le vote à l'UNESCO sur la convention pour la protection de la diversité culturelle, j'ai eu la chance de le rencontrer, par pur hasard.

Je tentais par tous les moyens d'obtenir une entrevue avec Pierre Curzi et Line Beauchamp en vue du vote. Je croyais qu'il me faudrait obtenir ces entretiens avant la journée du vote. J'étais persuadée qu'ils seraient beaucoup trop occupés le lundi pour répondre à mes questions.

En arrivant à l'hôtel où dormaient les membres de la coalition québécoise, la réception m'indique qu'ils ont quitté pour le théâtre. J'ai donc décidé de me rendre au théâtre pour tenter de les croiser et d'obtenir un rendez-vous.

La pièce était Love Letters au théâtre de la Madeleine où il tenait l'affiche en compagnie d'Anouk Aimée. La pièce avait déjà débuté, je ne pouvais donc pas pénétrer dans le théâtre. Malheureusement puisque le gérant de la salle semblait croire que je faisais parti de la délégation et était prêt à me laisser entrer gratuitement, n'eut été de mon retard.

J'ai attendu patiemment à la sortie du théâtre que la ministre et les membres de la coalition sortent. Rien à faire, je ne les vois pas à travers les spectateurs émus par le spectacle auquel ils ont assisté. Je m'adresse donc une fois de plus au gérant, qui m'indique que la délégation est au bar, au sous-sol. Il m'invite à m'y rendre.

Et c'est là, en bas des marches du petit théâtre que je vois la dizaine de membres de la délégation s'entretenir avec Philippe Noiret et Anouk Aimé. Je n'en reviens tout simplement pas de ma chance de pouvoir écouter ces deux grands personnages.

Cette anecdote restera toujours gravée dans ma mémoire.

Bon repos monsieur Noiret.

Pour ceux qui voudraient l'entendre encore une fois, Radio-Canada a rediffusé sa participation à Ce midi à la table d'à côté. Touchant. Le fichier audio est disponible sur le site de la société d'État.

dimanche, novembre 19, 2006

La Chine : joueur fondamental pour le salut du Darfour.

La crise au Soudan a fait plus de 200 000 morts en près de 3 ans d’affrontements dans l’ouest du pays, en plus de 2,5 millions de déplacés. Si l’ensemble de la communauté internationale s’entend sur la gravité de la situation, le Conseil de sécurité de l’ONU n’est toujours pas arrivé à adopter un plan d’intervention pour mettre fin aux hostilités. C’est que la Chine, membre permanent du Conseil et pays influent en Afrique, tarde à jouer son rôle de grande puissance.


(QC) – La Chine est omniprésente en Afrique. Le continent noir accueille maintenant 130 000 ressortissants chinois et jouit d’une économie bilatérale de 50 milliards de dollars. Contrairement à ses homologues occidentaux et au Fond mondial international (FMI), la nouvelle puissance économique n’exige aucune mesure sociale aux pays avec lesquels elle traite.

Lors d’un récent forum à Pékin au début novembre, entre le président Hu Jintao et 48 dirigeants africains, le dragon a promis de doubler son aide humanitaire en trois ans. Cet apport de 100 milliards de dollars se destine autant aux dictatures qu’aux gouvernements démocratiques. La Chine refuse de lier économie et bonne gouvernance.

Uniquement au Soudan, les investissements des compagnies chinoises représentent 7 milliards de dollars, selon le quotidien français Le Figaro. Presque la totalité de la production pétrolière du pays est exportée en Chine et la société d’État China National Petroleum Corp possède 40 % du consortium pétrolier soudanais.

Pas étonnant, compte tenu du lien important qui unit les deux pays, que la Chine conserve l’ambiguïté sur sa position dans le conflit au Darfour, à l’ouest du Soudan. Le 31 août dernier, elle s’est abstenue de voter une résolution de l’ONU qui devait permettre l’envoi de 20 000 soldats et policiers au Darfour pour soutenir la force de l’Union africaine déjà en place. Pékin s’est contenté de souhaiter la fin du conflit.

Si la Chine convoite réellement un rôle plus important dans la politique internationale, telle que l’a déclaré le président Hu Jintao lors du dernier sommet de la Coopération économique Asie-Pacifique (APEC) en 2005, elle devra prendre ses responsabilités vis-à-vis de l’Afrique. Sinon, elle risque bien d’être accusée d’avoir fermé les yeux sur un génocide, position peu enviable pour un pays en émergence.

Pékin possède tous les éléments pour jouer un rôle dominant au Darfour. Grâce à ses liens avec le président soudanais Omar El-Béchir, la Chine est la candidate idéale au titre de négociateur pour que Khartoum accepte l’envoi de Casques bleus dans la région.

La communauté internationale ne peut envoyer au Darfour les 17 300 soldats prévus par la résolution 1706 de l’ONU sans l’accord du gouvernement soudanais. Elle est en quelque sorte dépendante de l’influence de Pékin pour acheminer l’aide nécessaire aux troupes de l’Union africaine, qui peinent à contenir la situation qui s’étend maintenant au Tchad et à la Centrafrique.

Reste à voir si la Chine acceptera de prendre ses responsabilités de grande puissance, ou si elle continuera de se contenter de développer son influence économique au détriment du politique.

-30-

vendredi, novembre 17, 2006

Information en direct – terreau de dérapage médiatique.

L’information circule à une telle vitesse aujourd’hui que sa diffusion précède parfois le journaliste. Par manque de financement pour l’envoi de correspondant aux quatre coins de la planète, les médias font souvent usage des dépêches d’agence comme source d’information internationale. Qu’arrive-t-il lorsque l’agence se fait berner et que l’information se retrouve partout à travers le monde? Regard sur un cas célèbre de dérapage médiatique : Timisoara.

(QC) – 1989 : année de la chute radicale du rideau de fer dans presque toute l’Europe de l’Est. C’est à Timisoara que commencera l’insurrection populaire roumaine contre le pouvoir socialiste de Nicolae Ceausescu, dictateur à la tête du pays depuis 15 ans. C’est aussi à la ville de Timisoara qu’on associera le plus bel exemple de manipulation des médias.

Entre le 16 et le 22 décembre, plusieurs émeutes font rage dans la ville et dans le nord-est du pays alors que la minorité hongroise de la Roumanie se soulève. Le 17 décembre, une agence de presse hongroise sort une première dépêche sur la situation dans la ville, faisant état d’une centaine de morts. Le 19, ces chiffres sont gonflés, à la télévision on parle maintenant de 400 morts, voire de milliers de victimes de la Securitate, la police officielle de la Roumanie.

À la chute du dictateur le 22 décembre, la nouvelle de la découverte d’un charnier de 4630 cadavres par un témoin hongrois est reprise par l’agence France Presse et fait le tour du monde. Dès le 23 décembre, les bulletins de nouvelles parlent d’un charnier, d’une fosse commune, même d’un génocide de plus de 10 000 morts dans les rues de la ville martyre. Ils martèlent le chiffre de 4630 morts sans jamais nommer de sources.

Pour donner l’ampleur du massacre, des images de 19 cadavres sont diffusées, dont celle d’un enfant qui repose sur le ventre de sa mère. Ils auraient tous été extraits d’une fausse commune découverte dans la ville, fusillés par la Securitate; un véritable carnage dans cette ville de 350 000 habitants.

En réalité, les émeutes n’ont fait que 89 victimes dans la ville de Timisoara et 1033 morts dans toute la Roumanie selon les bilans officiels. Les images provenant de la fosse commune étaient en fait des images de corps déterrés d’un cimetière de la ville, situé derrière l’hôpital.


Comment se fait-il que les chiffres ont ainsi pu êtres gonflés à ce point sans jamais être vérifiés? D’un point de vue politique, la Hongrie, pays de provenance de la dépêche initiale, convoitait une partie du nord-est de la Roumanie. Elle avait tout à gagner de la chute de Ceausescu. En gonflant les chiffres ainsi, elle créait aux yeux du monde entier, par la reprise des articles de son agence de presse par AFP, l’image d’un dictateur sanguinaire qui devait tomber à tout prix.

Les dissidents du régime Ceausescu ont fortement utilisé la télévision nationale pour communiquer avec la population. Les images de charniers, reprises dans le monde entier, étaient surtout des images de propagande pour s’allier le reste de la population qui pourrait encore soutenir le dictateur déchu.

Notre perception du monde communiste a aussi beaucoup joué dans la façon dont nous avons mis en scène Timisoara. Depuis la chute du mur de Berlin en novembre, il ne restait que la Roumanie et l’Albanie comme château fort communiste. Jusqu’ici, tout s’était passé dans l’allégresse. La population occidentale, qui avait grandi avec l’image du communisme comme pire ennemi, attendait ces images de bain de sang. 10 000 morts, c’était bel et bien la preuve que les communistes étaient des tortionnaires. Le fait que ces informations soient reprises par l’agence France Presse a accentué leur crédibilité.

On découvrira même plus tard que les images du procès de Ceausescu et sa femme ont été elles aussi truquées. Toute la portion contrechamp, montrant les accusateurs, a été retirée de la bobine finale qui proviendrait sans doute des dissidents, le Front de solidarité nationale. Elles ont pourtant été largement diffusées sans que personne interroge leur provenance et leur dessein.

L’Occident était aussi très friand d’images de l’est, un monde méconnu jusqu’en 1989. Cet empressement a donné lieu en partie à la diffusion d’information sans enquêtes sur sa source. Enfin, nous pouvions savoir comment ça se passait là-bas. Les dissidents ont habilement utilisé cette carte pour faire passer leur message et gagner la révolution.

Par cette trop grande liberté et faute de connaissances, d’experts sur les aspects sociopolitiques de la région, les médias ont dévoré à grandes dents le potentiel sensationnel de la chute d’un régime dictatorial sans jamais s’arrêter pour réfléchir et questionner ce qu’ils filmaient ou écrivaient.

Il suffit d’ajouter le système de circulation de l’information, les agences de presse pigent dans les médias locaux et les médias locaux de partout dans le monde pigent dans les textes et images offertes par les agences de presse, pour comprendre comment ces informations ont pu se rendre à Montréal, sans jamais être contre vérifiées.

Tant que les entreprises de presse n’auront pas les moyens d’avoir des journalistes sur le terrain, ce genre de dérapage pourra se reproduire. Heureusement, des journaux comme La Presse font de plus en plus l’utilisation de collaboration spéciale et de correspondant pour couvrir les événements de l’actualité internationale.


-30-

Je spin, tu spins, ...

Les relationnistes ont compris depuis longtemps qu’à force de répéter le même message, il est possible de transformer un mensonge en vérité. Ils utilisent cette technique pour influencer non seulement vos habitudes de consommation, mais aussi votre perception du monde et vos convictions. Lorsque les gouvernements et les firmes de relation publique s’unissent, il n’est pas toujours facile de différencier le vrai du faux, particulièrement en temps de guerre.

(QC) — Automne 1990, les bulletins d’informations en Amérique du Nord diffusent le témoignage touchant d’une jeune koweïtienne, témoin d’atrocités commises dans son pays. En larme, Nayirah 15 ans, raconte au Congrès américain comment des soldats irakiens ont pénétré dans les hôpitaux de la région pour y vider tous les incubateurs. Au total, 312 bébés naissants auraient été tués par les militaires de Saddam Hussein.

Il n’en faut pas plus pour que la population américaine, jusqu’ici indifférente à la guerre en Irak, se mobilise derrière son gouvernement pour une intervention musclée pour libérer le Koweït de l’invasion irakienne. Dans ses discours, le président George Bush père fera six fois référence au témoignage de la jeune Nayirah, et le sénat plus de onze fois dans ses discussions sur l’éventualité d’une intervention. L’histoire sera largement diffusée à travers le pays, démontrant sans équivoque la terreur imposée par un Saddam Hussein sanguinaire.

Deux jours plus tard, même les plus récalcitrants à une intervention de l’armée américaine exigeront que cessent ces atrocités. Le Sénat votera la résolution pour l’opération « Desert Storm » à 52 voix pour contre 47, soit une marge de seulement cinq sénateurs, ce qui laisse croire que le témoignage de Nayirah a pu avoir une importante influence dans l’intervention américaine.

Jean Leloup n’avait pas tort en déclarant dans sa chanson sur la guerre en Irak 1990 : « En 1990, c’est l’heure des communications. » Après enquête, on découvrira avec surprise un grand nombre d’incubateurs intacts dans les hôpitaux koweïtiens. L’événement n’aura été qu’une importante production d’une firme de relation publique Hill and Knowlton, payée dix millions de dollars pour vendre la guerre aux Américains.

Comment est-ce possible que des relationnistes aient réussi à berner de telle sorte l’ensemble des médias chargés de fournir une information juste au public, voire des groupes de défense des droits de l’homme tels Human Rigth Watch et Amnesty International, qui ont emboîté le pas et validé les chiffres avancés par cette histoire?

La firme détenait un mandat clair : démontrer que Saddam Hussein était un fou. Dans ce dessein, elle a évalué à l’aide de groupes de discussion ce qui était le plus susceptible de toucher une corde sensible chez les Américains. Qui resterait indifférent devant le massacre de bébés naissants inoffensifs?

Nayirah, qui était en fait la fille de l’ambassadeur koweïtien aux États-Unis et qui n’avait pas mis les pieds au Koweït depuis plus de dix ans, ainsi que les témoins cités dans les multiples reportages sur les massacres au Koweït, avaient au préalable suivi un entraînement à l’agence Hill and Knowlton.

L’Ambassadeur Nassir Al Sabah, l’un des congressistes responsables de la commission sur les droits humains John Edward Porter et le lobby Citizen for a free Koweït ont tous des liens avec la firme de relation publique chargée de renverser l’opinion publique pour l’envoi de soldats américains.

Selon Pierre-Jean Luizard, un spécialiste occidental du Moyen-Orient, les États-Unis avaient même donné leur accord à l’invasion irakienne du Koweït. À l’approche d’une élection présidentielle, dix mois plus tard, le président Bush croyait qu’une guerre stimulerait l’économie américaine.

Tous les groupes des droits de l’homme finiront par démentir l’histoire des incubateurs à la suite d’enquêtes sur le terrain. En tout, l’opération Desert Storm fera plus de 200 000 morts dans la région.

Les journalistes ont-ils failli à leur devoir? Pourquoi n’ont-ils pas répondu à l’appel de Saddam Hussein de se rendre sur place constater les dégâts?

Dans un contexte où les médias cherchent à augmenter ses profits par une hausse d’auditoire, qui refuserait une bonne histoire comme celle de Nayirah? L’événement des incubateurs contenait tous les éléments narratifs nécessaires pour susciter l’intérêt : un méchant — Saddam Hussein —, une pauvre enfant éplorée – Nayirah —, du sang — 312 bébés tués — et une possibilité de dénouement heureux — la libération du peuple koweïtien par une intervention américaine.

Les médias n’avaient pas les moyens ni la capacité de vérifier sur le terrain la véracité des témoignages. Ils n’en avaient pas non plus l’intention, le témoignage de Nayirah n’était qu’une preuve de plus dans la longue liste d’atrocités commises par Saddam Hussein au fil des ans et largement vérifiée, comme l’assassinat systématique de tout dissident à son régime.

Il aurait par contre été facile de vérifier qui était derrière cette campagne publicitaire pour la guerre en Irak. Selon les dires de l’ambassadeur koweïtien, les congressistes connaissaient l’identité de la jeune Nayirah. Comment se fait-il que les journalistes n’ont jamais souligné ses liens familiaux? Ont-ils été paresseux devant le potentiel de cette histoire?

Le pire, c’est que la profession ne semble pas avoir appris de ses erreurs. Combien de fois les journalistes ont-ils diffusé les images des deux tours s’effondrant à New York, ce qui a permis l’intervention en Afghanistan? Pourquoi le New York Times et le Washington Post ont-ils dû faire leur mea-culpa après avoir découvert que les allégations d’armes de destruction massive en Irak était fausse? Malheureusement, tant que le contexte de production de l’information, rapide et payante, ne changera pas, les relationnistes pourront continuer à dominer le paysage médiatique et par le fait même, les lobbys qui ont les moyens de les payer à le faire.
-30-

lundi, mai 29, 2006

Des mois plus tard dans les maritimes...

Voilà, aprés plusieurs mois sans nouvelles, je décide de raviver ce blog. Merci à plusieurs autres bloggeurs de m'avoir redonnés la piqûre par la qualité de leurs textes : Un taxi la nuit entre autre. (Quand je trouverai comment faire des codes html j'ajouterai les liens !)

D'abord changement de nom, comme je ne suis finalement pas partie en Afrique, il est faux de dire En chute libre en Afrique n'est-ce pas.

Et bien oui, je ne suis jamais partie, mon employeur a refusé mon départ et financièrement, il m'était impossible de me le permettre pour le moment.

Mais ce n'est que partie remise, voilà qu'une nouvelle aventure m'attend en septembre. L'Université Laval m'a admise dans son DESS en journalisme international. Je devrai donc séjournal dans la Vieille Capitale pour 4 mois, puis ce sera l'aventure en Europe.

Pas de fausses promesses cette fois je vous le jure ! Je partierai !

Pas grand chose d'intéressant pour le moment, je me fais un petit cours de blog 101 rapido-presto et je tenterai d'améliorer la qualité de ce blog avec des photos à vélo, des anecdotes croustillantes, des éditos sur les sujets de l'heure....