lundi, novembre 27, 2006

Vénézuela : Hugo Chavez en route vers la victoire.

(QC) – L’actuel président vénézuélien Hugo Chavez remporterait l’élection du 3 décembre par près de 30 points de majorité sur son principal rival, Manuel Rosales, selon de récents sondages effectués par la firme Ipsos pour l’Associated Press.

Malgré la popularité grandissante de cet ancien gouverneur de la région de Zulia, Rosales n’arrivent pas à dépasser le cap des 40% d’intentions de vote. Il possède pourtant l’appui de l’ensemble des opposants à Chavez, qui se sont unifiés derrière lui pour tenter de battre l’actuel président.

Samedi dernier, des centaines de milliers de citoyens de Caracas sont descendus dans les rues de la capitale pour manifester leur appui au candidat social-démocrate. Tous en choeur, ils ont entonné le slogan de l’opposition : «Osez le changement».

Hugo Chavez demeure toujours très populaire chez les pauvres du pays, qui représentent près de 50% de la population. À coup de slogans anti-américains, il mobilise les foules dans un projet bolivarien d’une Amérique latine unie et indépendante de l’influence américaine. Il donne l’impression à cette portion de la population, souvent délaissée par les pouvoirs politiques, de participer à quelque chose de plus grand qu’eux, de faire parti de l’histoire.

Sur le terrain, les réalisations de Chavez sont visibles : instauration d’une démocratie participative avec la création de centaines de conseils communaux, ouverture de 2 100 cliniques médicales opérées par 20 000 médecins cubains – obtenus en échange de pétrole -, promotion soutenue de l’alphabétisation et nettoyage en profondeur de l’appareil politique, hautement corrompu par les gouvernements précédents.

Les dissidents reprochent justement à Hugo Chavez d’avoir éliminé la corruption pour installer ses propres hommes aux postes clés du pays. Depuis décembre 2005, alors que l’opposition à décider de boycotter les élections législatives, les partis prochavistes détiennent l’ensemble des cent soixante-sept sièges de l’Assemblée nationale. Actuellement, l'armée, la bureaucratie, l'industrie pétrolière, le Parlement et la justice sont rouges. Les chavistes dominent aussi dans les médias d’État.

Manuel Rosales utilise beaucoup dans sa campagne la crainte qu’ont les Vénézueliens de se retrouver avec un gouvernement autoritaire. Lors du grand rassemblement de samedi à Caracas, il a déclaré : « La démocratie est en danger avec ce gouvernement et c’est aux Vénézuéliens de s’unir pour la défendre», tout en accusant ouvertement Chavez de vouloir devenir président à vie comme Fidel Castro.

Si l’actuelle élection présidentielle ne vise qu’un mandat de six ans, Hugo Chavez a déjà fait part de ses désirs de modifier la Constitution afin qu’il puisse conserver le pouvoir jusqu’en 2021, selon un article paru dans la section opinion du Christian Science Monitor, paru en septembre dernier.

L’opposition compte sur les électeurs discrets sur leur intention de vote pour gagner la mise le 3 décembre. Elle devra d’abord convaincre les 57% de dissidents qui craignent des représailles s’ils ne votent pas en faveur de Chavez de se faire entendre. Le quotidien floridien The Miami Herald rapportait dans ses pages cette semaine que certains chefs d’entreprises nationales ont menacé leurs employés de congédiement s’ils ne votaient du bon côté.

Bien que la victoire semble acquise par Hugo Chavez, les troupes de Rosales peuvent tout de même ébranler la domination du président. Fort de l’appui de six millions d’électeurs lors du référendum de 2004 sur sa présidence, Chavez avait lancé l’objectif de dix millions de votes pour la reconduite de son mandat. S’il obtient une marque en deçà de celui de 2004, c’est tout son projet de réformes sociales qui perd sa crédibilité.

Le président souffre déjà de plusieurs revers dans les derniers mois sur la scène internationale. La République bolivarienne du Venezuela n’a pas réussi à obtenir le convoité siège non permanent de l’Amérique latine au Conseil de sécurité de l’ONU. Devant la désapprobation de sa candidature, c’est finalement le Panama qui a remporté la mise.

Hugo Chavez ne peut aussi se targuer d’avoir réussi à mobiliser l’ensemble du continent dans son projet bolivarien. Plusieurs des candidats qu’il supportait ont subi la défaite au cours de la dernière année. C’est le cas notamment au Chili et au Pérou. Même certains de ses favoris lui tournent le dos. Le sandiniste Daniel Ortega, dont l’élection au Nicaragua fut applaudi par Chavez, passe plus de temps à créer des liens avec les Etats-Unis qu’à discuter socialisme avec son homologue vénézuelien.

Un recul d’Hugo Chavez dans les bureaux de vote pourrait marquer la fin d’un projet qui date de son arrivée au pouvoir en 1998.

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samedi, novembre 25, 2006

Rencontre de Philippe Noiret

Un grand acteur a rendu l'âme cette semaine en France. Je ne peux pas dire que c'était un de mes acteurs favoris, mais j'éprouvais pour lui un immense respect.

En octobre 2005, alors que je couvrais le vote à l'UNESCO sur la convention pour la protection de la diversité culturelle, j'ai eu la chance de le rencontrer, par pur hasard.

Je tentais par tous les moyens d'obtenir une entrevue avec Pierre Curzi et Line Beauchamp en vue du vote. Je croyais qu'il me faudrait obtenir ces entretiens avant la journée du vote. J'étais persuadée qu'ils seraient beaucoup trop occupés le lundi pour répondre à mes questions.

En arrivant à l'hôtel où dormaient les membres de la coalition québécoise, la réception m'indique qu'ils ont quitté pour le théâtre. J'ai donc décidé de me rendre au théâtre pour tenter de les croiser et d'obtenir un rendez-vous.

La pièce était Love Letters au théâtre de la Madeleine où il tenait l'affiche en compagnie d'Anouk Aimée. La pièce avait déjà débuté, je ne pouvais donc pas pénétrer dans le théâtre. Malheureusement puisque le gérant de la salle semblait croire que je faisais parti de la délégation et était prêt à me laisser entrer gratuitement, n'eut été de mon retard.

J'ai attendu patiemment à la sortie du théâtre que la ministre et les membres de la coalition sortent. Rien à faire, je ne les vois pas à travers les spectateurs émus par le spectacle auquel ils ont assisté. Je m'adresse donc une fois de plus au gérant, qui m'indique que la délégation est au bar, au sous-sol. Il m'invite à m'y rendre.

Et c'est là, en bas des marches du petit théâtre que je vois la dizaine de membres de la délégation s'entretenir avec Philippe Noiret et Anouk Aimé. Je n'en reviens tout simplement pas de ma chance de pouvoir écouter ces deux grands personnages.

Cette anecdote restera toujours gravée dans ma mémoire.

Bon repos monsieur Noiret.

Pour ceux qui voudraient l'entendre encore une fois, Radio-Canada a rediffusé sa participation à Ce midi à la table d'à côté. Touchant. Le fichier audio est disponible sur le site de la société d'État.

dimanche, novembre 19, 2006

La Chine : joueur fondamental pour le salut du Darfour.

La crise au Soudan a fait plus de 200 000 morts en près de 3 ans d’affrontements dans l’ouest du pays, en plus de 2,5 millions de déplacés. Si l’ensemble de la communauté internationale s’entend sur la gravité de la situation, le Conseil de sécurité de l’ONU n’est toujours pas arrivé à adopter un plan d’intervention pour mettre fin aux hostilités. C’est que la Chine, membre permanent du Conseil et pays influent en Afrique, tarde à jouer son rôle de grande puissance.


(QC) – La Chine est omniprésente en Afrique. Le continent noir accueille maintenant 130 000 ressortissants chinois et jouit d’une économie bilatérale de 50 milliards de dollars. Contrairement à ses homologues occidentaux et au Fond mondial international (FMI), la nouvelle puissance économique n’exige aucune mesure sociale aux pays avec lesquels elle traite.

Lors d’un récent forum à Pékin au début novembre, entre le président Hu Jintao et 48 dirigeants africains, le dragon a promis de doubler son aide humanitaire en trois ans. Cet apport de 100 milliards de dollars se destine autant aux dictatures qu’aux gouvernements démocratiques. La Chine refuse de lier économie et bonne gouvernance.

Uniquement au Soudan, les investissements des compagnies chinoises représentent 7 milliards de dollars, selon le quotidien français Le Figaro. Presque la totalité de la production pétrolière du pays est exportée en Chine et la société d’État China National Petroleum Corp possède 40 % du consortium pétrolier soudanais.

Pas étonnant, compte tenu du lien important qui unit les deux pays, que la Chine conserve l’ambiguïté sur sa position dans le conflit au Darfour, à l’ouest du Soudan. Le 31 août dernier, elle s’est abstenue de voter une résolution de l’ONU qui devait permettre l’envoi de 20 000 soldats et policiers au Darfour pour soutenir la force de l’Union africaine déjà en place. Pékin s’est contenté de souhaiter la fin du conflit.

Si la Chine convoite réellement un rôle plus important dans la politique internationale, telle que l’a déclaré le président Hu Jintao lors du dernier sommet de la Coopération économique Asie-Pacifique (APEC) en 2005, elle devra prendre ses responsabilités vis-à-vis de l’Afrique. Sinon, elle risque bien d’être accusée d’avoir fermé les yeux sur un génocide, position peu enviable pour un pays en émergence.

Pékin possède tous les éléments pour jouer un rôle dominant au Darfour. Grâce à ses liens avec le président soudanais Omar El-Béchir, la Chine est la candidate idéale au titre de négociateur pour que Khartoum accepte l’envoi de Casques bleus dans la région.

La communauté internationale ne peut envoyer au Darfour les 17 300 soldats prévus par la résolution 1706 de l’ONU sans l’accord du gouvernement soudanais. Elle est en quelque sorte dépendante de l’influence de Pékin pour acheminer l’aide nécessaire aux troupes de l’Union africaine, qui peinent à contenir la situation qui s’étend maintenant au Tchad et à la Centrafrique.

Reste à voir si la Chine acceptera de prendre ses responsabilités de grande puissance, ou si elle continuera de se contenter de développer son influence économique au détriment du politique.

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vendredi, novembre 17, 2006

Information en direct – terreau de dérapage médiatique.

L’information circule à une telle vitesse aujourd’hui que sa diffusion précède parfois le journaliste. Par manque de financement pour l’envoi de correspondant aux quatre coins de la planète, les médias font souvent usage des dépêches d’agence comme source d’information internationale. Qu’arrive-t-il lorsque l’agence se fait berner et que l’information se retrouve partout à travers le monde? Regard sur un cas célèbre de dérapage médiatique : Timisoara.

(QC) – 1989 : année de la chute radicale du rideau de fer dans presque toute l’Europe de l’Est. C’est à Timisoara que commencera l’insurrection populaire roumaine contre le pouvoir socialiste de Nicolae Ceausescu, dictateur à la tête du pays depuis 15 ans. C’est aussi à la ville de Timisoara qu’on associera le plus bel exemple de manipulation des médias.

Entre le 16 et le 22 décembre, plusieurs émeutes font rage dans la ville et dans le nord-est du pays alors que la minorité hongroise de la Roumanie se soulève. Le 17 décembre, une agence de presse hongroise sort une première dépêche sur la situation dans la ville, faisant état d’une centaine de morts. Le 19, ces chiffres sont gonflés, à la télévision on parle maintenant de 400 morts, voire de milliers de victimes de la Securitate, la police officielle de la Roumanie.

À la chute du dictateur le 22 décembre, la nouvelle de la découverte d’un charnier de 4630 cadavres par un témoin hongrois est reprise par l’agence France Presse et fait le tour du monde. Dès le 23 décembre, les bulletins de nouvelles parlent d’un charnier, d’une fosse commune, même d’un génocide de plus de 10 000 morts dans les rues de la ville martyre. Ils martèlent le chiffre de 4630 morts sans jamais nommer de sources.

Pour donner l’ampleur du massacre, des images de 19 cadavres sont diffusées, dont celle d’un enfant qui repose sur le ventre de sa mère. Ils auraient tous été extraits d’une fausse commune découverte dans la ville, fusillés par la Securitate; un véritable carnage dans cette ville de 350 000 habitants.

En réalité, les émeutes n’ont fait que 89 victimes dans la ville de Timisoara et 1033 morts dans toute la Roumanie selon les bilans officiels. Les images provenant de la fosse commune étaient en fait des images de corps déterrés d’un cimetière de la ville, situé derrière l’hôpital.


Comment se fait-il que les chiffres ont ainsi pu êtres gonflés à ce point sans jamais être vérifiés? D’un point de vue politique, la Hongrie, pays de provenance de la dépêche initiale, convoitait une partie du nord-est de la Roumanie. Elle avait tout à gagner de la chute de Ceausescu. En gonflant les chiffres ainsi, elle créait aux yeux du monde entier, par la reprise des articles de son agence de presse par AFP, l’image d’un dictateur sanguinaire qui devait tomber à tout prix.

Les dissidents du régime Ceausescu ont fortement utilisé la télévision nationale pour communiquer avec la population. Les images de charniers, reprises dans le monde entier, étaient surtout des images de propagande pour s’allier le reste de la population qui pourrait encore soutenir le dictateur déchu.

Notre perception du monde communiste a aussi beaucoup joué dans la façon dont nous avons mis en scène Timisoara. Depuis la chute du mur de Berlin en novembre, il ne restait que la Roumanie et l’Albanie comme château fort communiste. Jusqu’ici, tout s’était passé dans l’allégresse. La population occidentale, qui avait grandi avec l’image du communisme comme pire ennemi, attendait ces images de bain de sang. 10 000 morts, c’était bel et bien la preuve que les communistes étaient des tortionnaires. Le fait que ces informations soient reprises par l’agence France Presse a accentué leur crédibilité.

On découvrira même plus tard que les images du procès de Ceausescu et sa femme ont été elles aussi truquées. Toute la portion contrechamp, montrant les accusateurs, a été retirée de la bobine finale qui proviendrait sans doute des dissidents, le Front de solidarité nationale. Elles ont pourtant été largement diffusées sans que personne interroge leur provenance et leur dessein.

L’Occident était aussi très friand d’images de l’est, un monde méconnu jusqu’en 1989. Cet empressement a donné lieu en partie à la diffusion d’information sans enquêtes sur sa source. Enfin, nous pouvions savoir comment ça se passait là-bas. Les dissidents ont habilement utilisé cette carte pour faire passer leur message et gagner la révolution.

Par cette trop grande liberté et faute de connaissances, d’experts sur les aspects sociopolitiques de la région, les médias ont dévoré à grandes dents le potentiel sensationnel de la chute d’un régime dictatorial sans jamais s’arrêter pour réfléchir et questionner ce qu’ils filmaient ou écrivaient.

Il suffit d’ajouter le système de circulation de l’information, les agences de presse pigent dans les médias locaux et les médias locaux de partout dans le monde pigent dans les textes et images offertes par les agences de presse, pour comprendre comment ces informations ont pu se rendre à Montréal, sans jamais être contre vérifiées.

Tant que les entreprises de presse n’auront pas les moyens d’avoir des journalistes sur le terrain, ce genre de dérapage pourra se reproduire. Heureusement, des journaux comme La Presse font de plus en plus l’utilisation de collaboration spéciale et de correspondant pour couvrir les événements de l’actualité internationale.


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Je spin, tu spins, ...

Les relationnistes ont compris depuis longtemps qu’à force de répéter le même message, il est possible de transformer un mensonge en vérité. Ils utilisent cette technique pour influencer non seulement vos habitudes de consommation, mais aussi votre perception du monde et vos convictions. Lorsque les gouvernements et les firmes de relation publique s’unissent, il n’est pas toujours facile de différencier le vrai du faux, particulièrement en temps de guerre.

(QC) — Automne 1990, les bulletins d’informations en Amérique du Nord diffusent le témoignage touchant d’une jeune koweïtienne, témoin d’atrocités commises dans son pays. En larme, Nayirah 15 ans, raconte au Congrès américain comment des soldats irakiens ont pénétré dans les hôpitaux de la région pour y vider tous les incubateurs. Au total, 312 bébés naissants auraient été tués par les militaires de Saddam Hussein.

Il n’en faut pas plus pour que la population américaine, jusqu’ici indifférente à la guerre en Irak, se mobilise derrière son gouvernement pour une intervention musclée pour libérer le Koweït de l’invasion irakienne. Dans ses discours, le président George Bush père fera six fois référence au témoignage de la jeune Nayirah, et le sénat plus de onze fois dans ses discussions sur l’éventualité d’une intervention. L’histoire sera largement diffusée à travers le pays, démontrant sans équivoque la terreur imposée par un Saddam Hussein sanguinaire.

Deux jours plus tard, même les plus récalcitrants à une intervention de l’armée américaine exigeront que cessent ces atrocités. Le Sénat votera la résolution pour l’opération « Desert Storm » à 52 voix pour contre 47, soit une marge de seulement cinq sénateurs, ce qui laisse croire que le témoignage de Nayirah a pu avoir une importante influence dans l’intervention américaine.

Jean Leloup n’avait pas tort en déclarant dans sa chanson sur la guerre en Irak 1990 : « En 1990, c’est l’heure des communications. » Après enquête, on découvrira avec surprise un grand nombre d’incubateurs intacts dans les hôpitaux koweïtiens. L’événement n’aura été qu’une importante production d’une firme de relation publique Hill and Knowlton, payée dix millions de dollars pour vendre la guerre aux Américains.

Comment est-ce possible que des relationnistes aient réussi à berner de telle sorte l’ensemble des médias chargés de fournir une information juste au public, voire des groupes de défense des droits de l’homme tels Human Rigth Watch et Amnesty International, qui ont emboîté le pas et validé les chiffres avancés par cette histoire?

La firme détenait un mandat clair : démontrer que Saddam Hussein était un fou. Dans ce dessein, elle a évalué à l’aide de groupes de discussion ce qui était le plus susceptible de toucher une corde sensible chez les Américains. Qui resterait indifférent devant le massacre de bébés naissants inoffensifs?

Nayirah, qui était en fait la fille de l’ambassadeur koweïtien aux États-Unis et qui n’avait pas mis les pieds au Koweït depuis plus de dix ans, ainsi que les témoins cités dans les multiples reportages sur les massacres au Koweït, avaient au préalable suivi un entraînement à l’agence Hill and Knowlton.

L’Ambassadeur Nassir Al Sabah, l’un des congressistes responsables de la commission sur les droits humains John Edward Porter et le lobby Citizen for a free Koweït ont tous des liens avec la firme de relation publique chargée de renverser l’opinion publique pour l’envoi de soldats américains.

Selon Pierre-Jean Luizard, un spécialiste occidental du Moyen-Orient, les États-Unis avaient même donné leur accord à l’invasion irakienne du Koweït. À l’approche d’une élection présidentielle, dix mois plus tard, le président Bush croyait qu’une guerre stimulerait l’économie américaine.

Tous les groupes des droits de l’homme finiront par démentir l’histoire des incubateurs à la suite d’enquêtes sur le terrain. En tout, l’opération Desert Storm fera plus de 200 000 morts dans la région.

Les journalistes ont-ils failli à leur devoir? Pourquoi n’ont-ils pas répondu à l’appel de Saddam Hussein de se rendre sur place constater les dégâts?

Dans un contexte où les médias cherchent à augmenter ses profits par une hausse d’auditoire, qui refuserait une bonne histoire comme celle de Nayirah? L’événement des incubateurs contenait tous les éléments narratifs nécessaires pour susciter l’intérêt : un méchant — Saddam Hussein —, une pauvre enfant éplorée – Nayirah —, du sang — 312 bébés tués — et une possibilité de dénouement heureux — la libération du peuple koweïtien par une intervention américaine.

Les médias n’avaient pas les moyens ni la capacité de vérifier sur le terrain la véracité des témoignages. Ils n’en avaient pas non plus l’intention, le témoignage de Nayirah n’était qu’une preuve de plus dans la longue liste d’atrocités commises par Saddam Hussein au fil des ans et largement vérifiée, comme l’assassinat systématique de tout dissident à son régime.

Il aurait par contre été facile de vérifier qui était derrière cette campagne publicitaire pour la guerre en Irak. Selon les dires de l’ambassadeur koweïtien, les congressistes connaissaient l’identité de la jeune Nayirah. Comment se fait-il que les journalistes n’ont jamais souligné ses liens familiaux? Ont-ils été paresseux devant le potentiel de cette histoire?

Le pire, c’est que la profession ne semble pas avoir appris de ses erreurs. Combien de fois les journalistes ont-ils diffusé les images des deux tours s’effondrant à New York, ce qui a permis l’intervention en Afghanistan? Pourquoi le New York Times et le Washington Post ont-ils dû faire leur mea-culpa après avoir découvert que les allégations d’armes de destruction massive en Irak était fausse? Malheureusement, tant que le contexte de production de l’information, rapide et payante, ne changera pas, les relationnistes pourront continuer à dominer le paysage médiatique et par le fait même, les lobbys qui ont les moyens de les payer à le faire.
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