dimanche, décembre 10, 2006

Le début de la fin pour le traité de non-prolifération nucléaire ?

Pour subvenir à leurs besoins énergétiques, des pays au développement rapide comme l’Inde et la Chine se tournent vers le potentiel atomique et d’autres voudraient bien les imiter. La communauté internationale devra trouver une alternative au Traité de non-prolifération nucléaire, depuis longtemps contourné par plusieurs pays, pour éviter une nouvelle course à l’armement. En acceptant de nouveaux joueurs dans la cour des grands, c’est toute la légitimité du traité qui se voit entachée.

Par Evelyne Asselin

(QC) – Le Pakistan a réussi, vendredi midi, un test de son nouveau missile nucléaire à courte portée Hatf III, à peine quelques heures après l’adoption par le Congrès américain d’un accord de coopération qui permettra à l’Inde de développer son industrie nucléaire à des fins civiles.

Islamabad voit d’un mauvais œil ce rapprochement entre Washington et son rival indien avec qui il a croisé le fer à trois reprises depuis leur indépendance respective de l’empire britannique. Les deux pays d’Asie centrale possèdent l’arme nucléaire sans avoir ratifié le Traité de non-prolifération du nucléaire (TNP).

L’accord américano-indien permettra aux entreprises américaines d’accéder à un marché lucratif, d’une valeur de 100 milliards de dollars selon les estimations du International Herald Tribune. Plus important, il ouvrira aussi à l’Inde les portes du Groupe des fournisseurs du nucléaire, donc l’accès à un uranium jusqu’ici réservé aux pays signataire du TNP.

L’ouverture des États-Unis à traiter avec un pays qui s’est doté de l’arme nucléaire de façon illégale, aux yeux de la communauté internationale, pourrait envoyer un signal non désiré aux autres pays qui désirent se doter d’une industrie nucléaire civile comme l’Afrique du Sud, le Brésil ou l’Arabie Saoudite.

Si les faiblesses du TNP étaient connues, mais rarement évoquées, son incapacité à empêcher la prolifération du nucléaire pourrait bien mettre à jour sa désuétude et l’envoyer aux oubliettes. Signé en 1967 par la Chine, la France, la Russie, les États-Unis et la Grande-Bretagne, le traité devait assurer que seuls ces cinq pays possèderaient l’arme nucléaire. Alors qu’Israël, l’Inde et le Pakistan l’ont déjà acquise, que la Corée du Nord y serait aussi parvenue et que les sanctions contre l’Iran se font toujours attendre, qui aura l’autorité nécessaire pour éviter que d’autres pays emboîtent le pas?

Pour Laurent Zecchini, journaliste au quotidien français Le Monde, « il est illusoire de penser que le statu quo actuel, fondé sur un régime international de non-prolifération à bout de souffle, puisse être maintenu. »

Maintenant que la frontière est franchie et que les États-Unis reconnaissent le potentiel nucléaire de l’Inde, mais aussi d’Israël lors d’une récente déclaration du nouveau secrétaire de la défense Robert Gates, mettant fin à des décennies de flou diplomatique, quelle loi divise l’accès ou non au nucléaire? Si la règle de la sécurité internationale ne tient plus, qui peut interdire à un pays de développer son industrie atomique au nom de ses besoins énergétiques, domaine capital des relations internationales avec la flambée des prix des combustibles fossiles?

Pourquoi l’Inde obtient-elle le support américain pour son industrie alors que l’Iran est confronté à une résolution de l’ONU pour cesser le développement de la sienne? L’accord américano-indien n’exige la présence d’enquêteurs de l’agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) que pour les 14 réacteurs destinés à l’usage civil. New Delhi possède aussi huit réacteurs à usage militaire au su de tous, réacteurs qu’aucun membre de l’agence n’a eu et n’aura le loisir de visiter.

La règle des deux poids, deux mesures n’a jamais fait ses preuves et il ne serait pas surprenant que dans peu de temps la quantité de pays au potentiel nucléaire double ou triple. Depuis l’adoption du TNP, ce nombre est déjà passé de 5 à 8, voire à 10 avec la Corée du Nord et l’Iran.


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vendredi, décembre 08, 2006

Le coton en sept histoires

Grand voyageur, l’académicien Érik Orsenna nous sert un portrait imagé de la mondialisation dans son roman Voyage aux pays du coton, petit précis de mondialisation. À travers la route du coton, qu’il suit de l’Afrique à ses Vosges natales, il vulgarise l’état d’interdépendance qui nous unit aux matières premières. Bienvenue dans le monde de l’or blanc.

(QC) — L’industrie du textile et des vêtements au Québec vit une période difficile depuis quelques années. La délocalisation des usines vers des mains d’œuvres moins coûteuses en Chine et en Inde a provoqué la perte de près de 22 750 emplois dans la Belle province depuis 2002, selon les chiffres du ministère des Finances.

Si les médias et la population québécoise ont rapidement jeté le blâme sur la concurrence déloyale des deux géants asiatiques, bien peu de gens connaissent toutes les ramifications de l’industrie du textile. Le livre d’Érik Orsenna est en quelque sorte un cours de coton 101 pour ceux qui s’intéressent aux causes extérieures de la chute de l’industrie au Québec.

Arbuste aux flocons blancs, al-kutun, de son nom d’origine arabe, apprécie les climats chauds et ensoleillés. Il fleurit uniquement entre le 32e et le 37e parallèle dans plus de 90 pays. Comme l’indique Orsenna, il est aussi en quelque sorte « le porc de la botanique ». Tout est utilisé dans cet arbre. Le coton ne sert pas uniquement à fabriquer vos chaussettes, il s’intègre aussi dans la confection de vos billets de banque, de certains produits cosmétiques, même dans la litière de votre chat et dans votre huile végétale. Voilà pourquoi il jouit d’une attention particulière depuis le quatrième siècle avant Jésus-Christ.

L’aventure de l’auteur commence en Afrique, plus spécifiquement au Mali où le coton est connu sous le nom de Soy, terme aussi utilisé pour signifier la parole. Ici, l’activité de la culture demeure à son état plus traditionnel et familial, mais sous l’administration étatique de la Compagnie malienne pour le développement du textile (CMDT). C’est donc l’État qui fixe les prix, les exportations et la redistribution de l’argent amassé par l’exploitation des flocons blancs.

Malgré les pressions du Fond monétaire international, la CMDT prend son temps pour privatiser l’industrie et continue de financer la majeure partie des services publics maliens. Malheureusement, l’ancien royaume africain éprouve beaucoup de difficultés à demeurer compétitif et accentue le déficit du pays. La Banque mondiale veut bien aider, à la condition de tout privatiser.

Les États-Unis ne sont pas étrangers aux difficultés maliennes. En plus d’héberger les institutions qui pressent le pays africain de privatiser, ils modifient les règles du cours en Bourse de l’or blanc en subventionnant leur industrie cotonnière et la recherche. Face au géant américain, les Africains peinent à tirer leur épingle du jeu. Ils n’ont surtout pas les moyens d’améliorer leur produit et les techniques de récolte.

Paradis de l’idéologie libérale, le lobby agricole américain croit tout de même qu’il est normal d’aider l’industrie. Tant qu’il existera des subventions de toutes sortes à l’étranger, en Europe et en Asie par exemple, l’oncle Sam continuera de rejeter les condamnations de l’Organisation mondiale du commerce. Pourtant, les aides gouvernementales rejoignent peu les petits agriculteurs, souvent obligés de cumuler deux emplois pour clore leur budget. Ce sont les grosses compagnies, établies depuis l’époque de l’esclavagisme, qui dominent ce secteur d’activité.

La récolte du coton n’a pas que des répercussions économiques, elle joue aussi un important rôle environnemental. Les États-Unis ne sont pas les seuls à créer des souches hybrides de coton en laboratoire, le Brésil effectue aussi beaucoup de recherche économique pour développer un coton unique, croisé par exemple avec des gènes d’araignées.

Les fermes brésiliennes s’étendent sur plusieurs milliards d’hectares et pour fournir la fibre qui servira à habiller une bonne partie de l’humanité, le pays défriche sans retenue la forêt amazonienne, véritable poumon de la planète.

Le coton s’attaque aussi à l’eau. En Ouzbékistan, les petits arbustes sont particulièrement fervents d’humidité et ils ont fortement contribué à la disparition de la mer d’Aral. Dans cette ancienne région de l’Union soviétique, le coton a aussi servi à la cause communiste. Pour sédentariser le peuple Karakalpaks, Staline les a contraints à la culture. L’objectif politique fut réussi, au détriment de l’environnement ouzbek.

Et la Chine certains diront; elle est où la Chine? Au pays de Mao, la chaussette règne en maître, bien avant la culture. C’est la transformation du coton qui fait des ravages ici. Fort de son régime communiste, le gouvernement procède à l’industrialisation du dragon à vitesse grand V. Larguée lors de la révolution industrielle, la Chine est déterminée à reprendre une place dominante sur la scène internationale, peu importe les conséquences humaines et environnementales.

En 280 pages, Érik Orsenna nous prouve que le coton n’est pas blanc comme neige, mais souillé de mille et une batailles. S’il nous reste une impression indélébile de pénétrer un monde secret et sombre, l’auteur n’arrive pas à brosser un portrait clair de la géopolitique du coton. En structurant son récit d’un ensemble d’anecdotes, de portraits et de contes, il oublie de prendre du recul et de regarder l’histoire dans son ensemble.

Une conclusion bien brève tente de donner une trame au récit. Comme c’est bien souvent le cas en journalisme, ces parcelles de réalité n’arrivent pas à nous fournir une idée claire de la réalité de la mondialisation du coton.

Un livre qui fait voyager et où le coton devient presque humain, mais qui offre bien plus un photo-roman qu’un film de la mondialisation.

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jeudi, décembre 07, 2006

Périple à la Place Laurier

Aujourd’hui, j’ai quitté mes livres, mon ordinateur et ma map monde pour aller faire un tour dans le vrai monde tant chéri de Mario Dumont et de CHOI FM avant que la station ne perde de son mordant (merci JT). Bâtard, ça fait déjà plus de 3 mois que je vis à Québec et je commence à peine à me pointer le bout du nez ailleurs que dans l’axe maison-université.

Quoi de mieux qu’une visite au complexe de centres d’achats Place Ste-Foy, Place de la Cité et Place Laurier pour palper l’ambiance des fêtes chez ce sympathique groupe de villageois. (D’accord, ce terme pourrait être considéré comme insultant pour ceux qui habitent Québec. Bordel, assumez-vous, vous êtes des villageois !)

Étrangement, je ne suis pas agressée par une musique mille fois entendue de Noël. Les propriétaires de centre commercial auraient-ils enfin compris que si leurs employés n’arrivent plus à tolérer ces «chants mélodieux», c’est le cas aussi pour une bonne partie de sa clientèle ?! Il y a de l’espoir sur cette terre, dites-le vite à Jean Lemire !

Je vous épargne mon examen de la vue chez Greich et Scraf, raison initiale de ma visite au royaume de l’achat. Juste vous annoncer que finalement, je ne voyais vraiment rien !!

Québec est un village parce que les gens sont trop gentils. Ils veulent trop être utiles et je connais le principe, je l’adopte tous les jours et je peux vous assurer que ça ne fonctionne pas !!! D’abord ce vendeur de produits de coiffure. L’homme m’explique que les produits que j’utilise depuis maintenant 4 ans seront bientôt discontinués, faute d’inscription en français sur les bouteilles. Tranquillement, il me montre plusieurs autres que je pourrais prendre pour mon type de cheveux. Après le 4e tour du magasin, je commence un peu à m’impatienter. Sans vouloir être impolie, je lui signifie que mon choix est fait et que je ne tiens pas à connaître l’ensemble de son inventaire. Merde, il a même sorti un diffuseur de sa boîte scellée pour me montrer comment je dois le faire tourner dans mes cheveux !

« Je voulais seulement être gentil. Je ne suis pas toujours aussi gentil, mais là je voulais l’être avec vous», me dit-il d’un ton légèrement accusateur. N’eut été de mon estomac qui criait famine, je crois que je l’aurais laissé continuer par remord.


Resto

Il faut que je vous explique. C’est une tradition de jeunesse, quand ma famille et moi venions à Québec, un rituel s’était installé. Il était impératif d’aller manger : 1- Un Tom Pouce chez Marie-Antoinette 2- Une crêpe bretonne au Petit Coin Breton. C’est donc par souci des traditions que j’ai décidé d’aller manger une crêpe Quimper et une soupe à l’oignon.

Bon dieu, mon parcours universitaire me rend hautaine ! Premier commentaire en arrivant au resto = c’est définitivement quétaine cette place ! La suite me le confirmera un peu. Une dame costumée m’assigne une place et je sens dans sa façon de me parler un respect auquel je suis très peu habituée. Dans ma tête, je suis encore une ado, pas quelqu’un à qui l’on donne de l’importance !
Je ne me souviens pas précisément comment la conversation a dérivé vers les chats, mais n’empêche qu’en moins de 5 minutes, la serveuse de la section adjacente à la mienne me racontait toutes les petites manies de son chat. Ça finissait plus !!! Comment il reconnaît le poulet dans le frigo, même s’il est dans un plat Tupperware, comment il exige que tout soit à sa place, comment il cache des épingles sous le tapis, comment il a reconnu son ami latino qui n’était pas venu depuis 5 ans… et j’en passe.

Après une dizaine de minutes, ma serveuse est venue prendre ma commande. J’ai pour un moment cru qu’elle venait me sauver de ce moulin à parole. Non ! Aussitôt les formalités terminées, elle revient à la charge : « J’ai oublié de te dire, mon chat reconnaît aussi la nourriture qui n’est plus bonne. L’autre jour, j’avais un doute sur du poulet. Et bien, il n’en a pas touché un morceau…» Pas moyen de lire Ginneken en paix !

Tout était étrange dans ce resto, pas seulement le fait d’être servi par Moman de chez Rapido (une inside de Platopithèque) en costume traditionnel breton, mais la clientèle aussi. Je suis convaincue que l’homme qui grondait sa fille de 4 ans, c’était un psy. Non mais ! L’enfant, visiblement inconfortable, était assise dans une chaise haute. Même la serveuse au chat a fait la remarque à l’homme qui pour seule réponse disait : « C’est elle qui veut ça ». Ben oui, pis c’est pour ça qu’elle se tortille de la sorte. J’avais le goût de ne pas me mêler de mes affaires ! Après tout, ma lecture de Ginneken se trouvait une fois de plus interrompue. « Si t’es pas fine avec Maman, tu n’auras pas d’œuf ce soir, pas de cadeau. » Depuis quand on élève les enfants avec le retrait d’un cadeau, qu’elle aura probablement de toute façon, et non avec le système punition et récompense uniquement en cas d’extrême surpassement de soi ? Je ne suis pas née à la bonne époque !

Derrière le couple à l’enfant, dont la mère n’a pas dit un mot de tout le repas, un avocat et sa femme et/ou maîtresse. Avez-vous déjà croisé un homme dans la cinquantaine, en complet, avec les cheveux verts comme Bibi de Bibi et Geneviève ? Comment s’intéresser à Ginneken après ça!

Exit le resto, après une vingtaine de minutes d’attente. J’avais pourtant dit à la dame lorsqu’elle est venue chercher ma tasse à expresso vide que je prendrais la facture… À la recherche d’un billet d’autobus.

On me dit que c’est au Métro que je peux les trouver. Je crois en chemin une épicerie Aliments de santé Laurier. Le royaume de ce que surnomme Les Zapartistes la livre de brun à 10$. Rien à voir avec vos produits bio ou maison traditionnelles, c’est le Club Price du bio et du santé ! S’il faut avouer que c’est le seul endroit où j’ai trouvé certains trucs que j’affectionne, j’ai été dégoûtée par cette utilisation commerciale de l’aliment dit bon. Montignac, sans gluten, kamus, etc… Les légumes sans emballage à l’unité : excellent. Les pâtes en vrac (épinard, légume, blé entier) : good. La musique, les chandelles et la crème hydratante à 30 dollars le pot de la grosseur de mon pouce : c’est de l’arnaque ! Pis les madames de Sainte-Foy avaient l’air bien contente ! Dire qu’on accuse les Platopithèques avec leurs produits bios. Au moins nous, on sait quand on se fait fourrer ! C’était l’épisode des Bougons en live.

Dans une allée, alors que je comparais les sortes de café dont je n’ai jamais entendu parler, j’entends au loin, au fond du magasin : « Vous êtes sûre que vous n’êtes pas Marie-France Bazzo? Je ne l’ai jamais vu, mais vous lui ressemblez beaucoup je crois, même grosse tête.» Et la dame poursuit une conversation avec l’autre dame qu’elle prenait pour Bazzo sur les sujets les plus diverses…

C’est promis, je ne quitte plus jamais mes livres des yeux et je me contente maintenant de faire le chemin maison-université. Ils sont trop bizarres les gens ici. Tenez, sur le chemin du retour, une dame âgée m’a offert de m’asseoir à sa place. ?!?!? À Montréal, ce genre d’attention n’est même pas offert aux femmes enceintes !

Mon correcteur Antidote me dit que le mot expresso est un québécisme pour café express. Attendez, nous ne sommes pas les seuls à utiliser ce terme non ? C’est pas universel un expresso?

mercredi, décembre 06, 2006

Venezuela suite

Venezuela : une victoire convaincante pour Hugo Chavez?

Réélu président par une majorité de 20 points dimanche dernier, Hugo Chavez possède aujourd’hui l’ensemble des sièges de l’Assemblée nationale en plus de gouverner l’armée, la télévision nationale, l’industrie pétrolière et la Cour suprême. À la tête de tous les postes clefs de l’État pour les six prochaines années, certains craignent une radicalisation non seulement de son discours, mais aussi de ses politiques socialistes. D’autres gardent espoir que les récents échecs del Jefe sur la scène internationale tempéreront son projet de révolution bolivarienne et que ses déclarations incendiaires mineront sa crédibilité, même aux yeux de sa population.

Par Evelyne Asselin

(QC) – Au lendemain de l’élection présidentielle du 3 décembre, le quotidien vénézuélien El Nacional montrait en Une Hugo Chavez, poing en l’air, devant une foule en liesse habillée de rouge. En très gros caractères, deux noms et deux chiffres qui résument tout : Chavez 61, Rosales 38.

Malgré l’union de l’opposition derrière l’ancien gouverneur de l’État pétrolier Zulia, Manuel Rosales, les résultats sont décevants. L’appui aux «antichavistes» a chuté de 130 000 votes comparativement au référendum de 2004. Pourtant, la participation des électeurs s’est accrue pour atteindre un record datant de 1976, soit une abstention de seulement 24 % de la population. Sans vouloir mettre en doute les résultats, le journal de Caracas El Universal, notait par contre que la diminution des appuis à l’opposition pourrait s’expliquer par l’importante quantité de bulletins rejetés par le système électronique. En tout, 135 000 bulletins ont été annulés, soit beaucoup plus qu’au référendum de 2004 où l’on comptait que 25 000 rejets.

À la lumière de ces chiffres, nous pourrions croire qu’Hugo Chavez a le vent dans les voiles et que les Vénézuéliens adhèrent à ses idées et à son discours antiaméricain. Selon La Tercera, un journal très populaire chez la classe moyenne du Chili, la mobilisation «prochaviste» est due bien plus à son discours social et à ses politiques populaires qu’à sa position anticapitaliste. La Pagina 12, quotidien argentin de gauche, rajoute que Chavez devra rapidement effectuer les réformes annoncées en campagne s’il ne veut pas être confronté à son propre électorat.

Surtout que cet électorat, fortement représenté par les plus pauvres, pourrait devenir le seul appui au projet bolivarien d’Hugo Chavez d’unifier l’Amérique latine sous une politique de gauche et indépendante de l’influence américaine. Au cours de la dernière année, le président a connu plusieurs échecs sur la scène internationale.

La République bolivarienne du Venezuela n’a pas réussi à obtenir le convoité siège non permanent de l’Amérique latine au Conseil de sécurité de l’ONU. Devant la désapprobation de sa candidature, c’est finalement le Panama qui a remporté la mise après 48 tours de scrutin.

Hugo Chavez ne peut se targuer d’avoir réussi à mobiliser l’ensemble du continent dans son projet bolivarien. Plusieurs des candidats qu’il supportait ont subi la défaite au cours de la dernière année. C’est le cas notamment en Colombie et au Pérou avec la victoire d’Alvaro Uribe Vélez et d’Alan Garcia, plus près de Washington que de Caracas.

Même certains de ses favoris lui tournent le dos. Le sandiniste Daniel Ortega, dont l’élection au Nicaragua fut applaudie par Chavez, passe plus de temps à créer des liens avec les États-Unis qu’à discuter socialisme avec son homologue vénézuélien. Une importante partie de la gauche présente en Amérique latine prône une approche plus progressiste que révolutionnaire. Les Michèle Bachelet, Nestor Kirchner, même Luís Inácio da Silva (Lula) se dissocient de la gauche populiste, nationaliste et militariste à la Castro, ami incontesté de Chavez.

Si Daniel Ortega semble adopter la même approche que ses collègues chiliens et argentins, il reste à voir quelle voie adoptera le dernier socialiste élu, Rafael Correa en Équateur pour définir une réelle tendance de rejet de l’axe Bolivie-Vénézuela-Cuba. Même ce dernier pourrait quitter l’association. Alors que Fidel Castro semble en être à ses derniers jours, son frère Raoul tend la main à Washington pour une réouverture du dialogue.

Il ne faut donc pas voir en la victoire d’Hugo Chavez à la présidentielle une popularité grandissante d’un modèle antiaméricain. Si El Jefe continue à proclamer, comme il l’a fait en septembre devant l’ONU, que Washington est le diable, il risque fort de perdre une bonne partie de ses appuis non seulement en Amérique latine, mais aussi dans son propre pays.

Convaincante sur papier, cette victoire pour un deuxième mandat jusqu’en 2013 pourrait être celle de la dernière chance. L’opposition ne s’avoue pas vaincue et reste sur le pied de guerre pour la prochaine bataille. Hugo Chavez devra adapter son discours à la gauche réellement émergente en Amérique latine s’il désire conserver son influence dans la région. Luís Inácio da Silva l’a déjà compris au Brésil et risque fort de lui damer le pion.



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