mercredi, décembre 06, 2006

Venezuela suite

Venezuela : une victoire convaincante pour Hugo Chavez?

Réélu président par une majorité de 20 points dimanche dernier, Hugo Chavez possède aujourd’hui l’ensemble des sièges de l’Assemblée nationale en plus de gouverner l’armée, la télévision nationale, l’industrie pétrolière et la Cour suprême. À la tête de tous les postes clefs de l’État pour les six prochaines années, certains craignent une radicalisation non seulement de son discours, mais aussi de ses politiques socialistes. D’autres gardent espoir que les récents échecs del Jefe sur la scène internationale tempéreront son projet de révolution bolivarienne et que ses déclarations incendiaires mineront sa crédibilité, même aux yeux de sa population.

Par Evelyne Asselin

(QC) – Au lendemain de l’élection présidentielle du 3 décembre, le quotidien vénézuélien El Nacional montrait en Une Hugo Chavez, poing en l’air, devant une foule en liesse habillée de rouge. En très gros caractères, deux noms et deux chiffres qui résument tout : Chavez 61, Rosales 38.

Malgré l’union de l’opposition derrière l’ancien gouverneur de l’État pétrolier Zulia, Manuel Rosales, les résultats sont décevants. L’appui aux «antichavistes» a chuté de 130 000 votes comparativement au référendum de 2004. Pourtant, la participation des électeurs s’est accrue pour atteindre un record datant de 1976, soit une abstention de seulement 24 % de la population. Sans vouloir mettre en doute les résultats, le journal de Caracas El Universal, notait par contre que la diminution des appuis à l’opposition pourrait s’expliquer par l’importante quantité de bulletins rejetés par le système électronique. En tout, 135 000 bulletins ont été annulés, soit beaucoup plus qu’au référendum de 2004 où l’on comptait que 25 000 rejets.

À la lumière de ces chiffres, nous pourrions croire qu’Hugo Chavez a le vent dans les voiles et que les Vénézuéliens adhèrent à ses idées et à son discours antiaméricain. Selon La Tercera, un journal très populaire chez la classe moyenne du Chili, la mobilisation «prochaviste» est due bien plus à son discours social et à ses politiques populaires qu’à sa position anticapitaliste. La Pagina 12, quotidien argentin de gauche, rajoute que Chavez devra rapidement effectuer les réformes annoncées en campagne s’il ne veut pas être confronté à son propre électorat.

Surtout que cet électorat, fortement représenté par les plus pauvres, pourrait devenir le seul appui au projet bolivarien d’Hugo Chavez d’unifier l’Amérique latine sous une politique de gauche et indépendante de l’influence américaine. Au cours de la dernière année, le président a connu plusieurs échecs sur la scène internationale.

La République bolivarienne du Venezuela n’a pas réussi à obtenir le convoité siège non permanent de l’Amérique latine au Conseil de sécurité de l’ONU. Devant la désapprobation de sa candidature, c’est finalement le Panama qui a remporté la mise après 48 tours de scrutin.

Hugo Chavez ne peut se targuer d’avoir réussi à mobiliser l’ensemble du continent dans son projet bolivarien. Plusieurs des candidats qu’il supportait ont subi la défaite au cours de la dernière année. C’est le cas notamment en Colombie et au Pérou avec la victoire d’Alvaro Uribe Vélez et d’Alan Garcia, plus près de Washington que de Caracas.

Même certains de ses favoris lui tournent le dos. Le sandiniste Daniel Ortega, dont l’élection au Nicaragua fut applaudie par Chavez, passe plus de temps à créer des liens avec les États-Unis qu’à discuter socialisme avec son homologue vénézuélien. Une importante partie de la gauche présente en Amérique latine prône une approche plus progressiste que révolutionnaire. Les Michèle Bachelet, Nestor Kirchner, même Luís Inácio da Silva (Lula) se dissocient de la gauche populiste, nationaliste et militariste à la Castro, ami incontesté de Chavez.

Si Daniel Ortega semble adopter la même approche que ses collègues chiliens et argentins, il reste à voir quelle voie adoptera le dernier socialiste élu, Rafael Correa en Équateur pour définir une réelle tendance de rejet de l’axe Bolivie-Vénézuela-Cuba. Même ce dernier pourrait quitter l’association. Alors que Fidel Castro semble en être à ses derniers jours, son frère Raoul tend la main à Washington pour une réouverture du dialogue.

Il ne faut donc pas voir en la victoire d’Hugo Chavez à la présidentielle une popularité grandissante d’un modèle antiaméricain. Si El Jefe continue à proclamer, comme il l’a fait en septembre devant l’ONU, que Washington est le diable, il risque fort de perdre une bonne partie de ses appuis non seulement en Amérique latine, mais aussi dans son propre pays.

Convaincante sur papier, cette victoire pour un deuxième mandat jusqu’en 2013 pourrait être celle de la dernière chance. L’opposition ne s’avoue pas vaincue et reste sur le pied de guerre pour la prochaine bataille. Hugo Chavez devra adapter son discours à la gauche réellement émergente en Amérique latine s’il désire conserver son influence dans la région. Luís Inácio da Silva l’a déjà compris au Brésil et risque fort de lui damer le pion.



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1 commentaire:

Anonyme a dit...

Votre billet sur le Venezuela change agréablement de ces brûlots chávistes souvent produits par les derniers carrés de ce qui reste d'une ultra-gauche reconvertie en alter.

Au fond, le Venezuela ressemble, pour l'essentiel, aux autres pays d'Amérique Latine, quels que soient leurs régimes politiques. Les mêmes maux les accablent tous : extrêmes inégalités de revenus, corruptions endémiques, niveaux de violences élevés, pour n'en citer que trois. Le Venezuela, de Chávez, ne s'est pas amélioré sur ces trois critères. Ou si peu... Et n'aurait pas non plus inauguré une nouvelle voie avec l'élection de Rosales.

La même chose peut être dite du Brésil de Lula, de l'Argentine de Kirchner ou du Chili de Bachelet. C'est pourquoi il est hasardeux de parler de "droite" ou de "gauche" pour définir les politiques qui y sont suivies.

Et d'ailleurs, peu importent les étiquettes. L'essentiel est aileurs : que des changements positifs finissent par se produire dans nos pays (je vis au Brésil) et l'on pourra peut-être commencer à accorder quelque crédit aux leaders politiques latino-américains...